Publié le 29/04/2015.
Sylvain, quel plaisir pour nous que d’échanger quelques mots à votre sujet ; au sujet de votre passion.
Vous en avez fait votre métier et petit à petit, le succès est de plus en plus au rendez-vous. Parlez-nous de votre parcours, à quel moment votre carrière a-t-elle débuté, êtes-vous plongé dans le chocolat depuis tout petit et quelles sont vos différentes expériences professionnelles ?
Sylvain Fournier : Bonjour Clément, mon parcours a commencé assez tôt, j’ai fait mon premier gâteau à l’âge de six ans et je n’ai pas arrêté depuis. Après la troisième au collège j’ai commencé mon apprentissage par un CAP pâtissier – glacier – chocolatier – confiseur que j’ai obtenu en 1998. J’ai ensuite changé d’employeur et j’ai passé successivement un BEP pâtissier – glacier – chocolatier – confiseur puis un CAP glacier et enfin un CAP chocolatier – confiseur que j’ai obtenu tous les trois. Je suis resté ensuite pendant 10 ans en tant qu’ouvrier chez le même patron avant de me lancer dans la grande aventure qui est d’avoir ma propre entreprise. Je suis donc depuis septembre 2011 propriétaire de La Cave à Chocolat à Moulins.
Pourquoi s’être spécialisé dans l’univers (très gourmand) du chocolat ?
Le chocolat est une matière aux multiples facettes qui offre des possibilités de travail quasiment infinies. Il est apprécié de tous et sous toutes ses formes et je découvre régulièrement de nouvelles manières de le travailler.
À titre personnel, que représente pour vous un bon chocolat ?
Pour moi un bon chocolat est avant tout celui qui nous raconte une histoire, celui qui provoque des émotions. Les chocolats bas de gamme sont gras et pâteux en bouche, souvent trop sucré. Un bon chocolat ne se laissera pas dominer par le goût du sucre qu’il contient mais développera plutôt les arômes liés à ses origines, son terroir et l’amour du travail des maîtres torréfacteurs qui transforment les fèves de cacao en chocolat. Et j’essaie ensuite par mon travail de conserver au maximum ces arômes pour que mes clients retrouvent dans chaque bouchée tout le travail en amont.
Sans rentrer dans les plus petits détails, racontez-nous la fabrication d’un chocolat, depuis l’arrivage des pistoles jusqu’à la mise en vitrine :
J’aime beaucoup réaliser des chocolats simples, des ganaches avec des chocolats pur origine, comme le Viêtnam, le Ghana, la Côte d’Ivoire ou bien le Mexique. Pour faire les intérieurs des chocolats je fais tout d’abord chauffer de la crème liquide dans laquelle j’ajoute un peu de glucose et de sucre inverti, ces deux sucres permettent d’avoir une texture fondante. Je verse ensuite la crème sur mes pistoles de chocolat pour réaliser ma ganache. Il est important de bien mélanger à cette étape pour réaliser une bonne émulsion qui sera déterminante sur la conservation des chocolats. Je rajoute ensuite du beurre et je coule ma ganache ainsi obtenue dans un cadre et je la laisse cristalliser 1/2h au réfrigérateur. Ensuite j’enlève le cadre et je la laisse « sécher » à température ambiante pendant 24 à 48h. J’applique ensuite une fine couche de chocolat à la surface de la ganache, on appelle cette étape le chablonnage. Je retourne le cadre de ganache et je le coupe en carrés à l’aide d’un outil qu’on appelle une guitare. Ensuite pour faire l’enrobage j’ai une machine qu’on appelle une enrobeuse dans laquelle je fais fondre mon chocolat d’enrobage. Je prends un chocolat à 64% de cacao qui n’a pas un goût trop prononcé pour ne pas dénaturer le goût de l’intérieur. Il faut tempérer le chocolat pour qu’une fois cristallisé il soit brillant et croquant. Pour le tempérage on fait fondre le chocolat noir à 55°C puis on abaisse la température à 27°C et on remonte à 32°C. L’enrobeuse se charge automatiquement de cette étape et en continu, sous mon contrôle évidemment. Je dispose les intérieurs sur la grille à l’entrée de la machine, je peux en aligner 63 à la fois. Ils passent ensuite sous un double rideau de chocolat tempéré qui les recouvrent intégralement, un rouleau sous la grille se charge de mettre du chocolat en dessous. Leur périple se poursuit sous une soufflerie pour enlever l’excédent de chocolat sur les intérieurs, ensuite une barre qui tapote la grille fait tomber l’excédent de chocolat sur les côtés et ils finissent leur course sur une feuille de papier en passant sur le « coupe queue » qui enlève l’excédent de chocolat en dessous des intérieurs. Il me reste plus qu’à mettre le décor en fonction de la ganache, qui peut être une feuille avec un relief ou des motifs colorés ou bien des rayures à la fourchette. Je laisse ensuite cristalliser les chocolat au moins 12h avant de les ranger dans des boîtes ou de les mettre en vitrine au magasin.
Nous vous avons connu à vos débuts grâce aux fameuses quenottes, un chocolat unique à la forme unique. D’où vous est venue cette idée, s’agit-il d’un des plus gros succès de La Cave à Chocolat et si oui, pour quelles raisons ?
Les Quenottes® sont nées tout d’abord d’une envie de mon cousin Anthony, alors étudiant en dentaire, d’avoir des gâteaux originaux pour son pot de thèse à la FAC d’Odontologie de Clermont Ferrand. Il m’a demandé s’il était possible de faire des gâteaux en forme de dent et je lui ai répondu que si on avait le moule il n’y aurait aucun problème. J’ai alors acheté en septembre 2008 du silicone alimentaire pour faire des essais. Je me suis rendu à la FAC et avec mon cousin nous avons réalisé des moules sur de petites molaires en résine pour essayer. J’avais également apporté du chocolat et le lendemain une fois que le silicone était prit j’ai moulé les premières Quenottes® en chocolat noir. Il y avait une conférence dans l’amphithéâtre et on nous a dit de les présenter à la sortie, les gens nous on dit « c’est génial, vous vendez ça combien ? », je n’en avais que 4… Nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être une opportunité à saisir et j’ai racheté du silicone pour fabriquer plus de moules. Nous avons également déposé dans la foulée à l’INPI la marque Quenottes® qui a été enregistrée en novembre 2008. Début 2009 je me suis inscrit en tant qu’auto-entrepreneur pour pouvoir les commercialiser et j’ai aussi créé le site de vente en ligne quenottes.fr. Pour le pot de thèse de mon cousin en 2010 j’ai également fait 6 entremets en forme de molaire pour 6 personnes chacun comme prévu initialement. Evidemment les Quenottes® ont du succès à La Cave à Chocolat, mais la production reste limitée, je n’en fais que 70 à chaque tournée. Ce sont tout de même des chocolats originaux que vous ne trouverez nulle part ailleurs et qui plaisent aux petits comme aux grands.
Que peut-on retrouver dans la vitrine de La Cave à Chocolat ?
J’essaie de fabriquer des produits assez variés pour plaire au plus grand nombre, nous avons nos bonbons de chocolat, mais aussi les tablettes, dix sortes de caramels, des pâtes de fruits, des guimauves, des confitures, des pâtes à tartiner, des caramels à tartiner, des petits fours secs sans oublier des glaces, pâtisseries, viennoiseries, cakes et des macarons. L’important est de plaire au plus grand nombre et de fabriquer des produits qui répondent à la demande des clients.
Quel est le parcours idéal pour devenir chocolatier, les qualités et compétences requises ?
Il faut tout d’abord commencer par faire un CAP pâtissier en deux ans pour acquérir les bases du métier, ensuite on peut soit faire une mention complémentaire pâtissier ou une mention complémentaire chocolatier – confiseur. Pour exercer ce métier il faut de la patience, de l’endurance (nous travaillons quasiment toujours debout et nous pouvons avoir des tâches très répétitive). Il faut également être créatif et curieux, bon en mathématiques et savoir dessiner.
Comment ressentez-vous et vivez-vous le marché français du chocolat, est-il en déclin ou au contraire en évolution ? Les consommateurs ont-ils plus tendance à partir sur de l’artisanal en délaissant les chocolats industriels ?
Le chocolat a toujours été un produit phare et je crois qu’il restera toujours une vedette des tables de fêtes. Pour moi le marché français n’est pas forcément en progression mais les acheteurs changent leurs habitudes. Evidemment le coût est un point important et les prix du chocolat ne cessent d’augmenter et cela peut être un frein à la consommation de bons chocolats. Mais je pense que suite aux scandales alimentaires récents, sur des produits industriels, les gens sont plus méfiants. Ils réfléchissent plus avant d’acheter et préfèrent prendre des produits de meilleure qualité en quantité moindre. Les consommateurs nous demandent de plus en plus comment sont fabriqués nos produits pour s’assurer de la qualité. J’essaie au quotidien de donner un maximum d’informations pour rassurer mes clients.
Enfin, la majorité de nos lecteurs en auront entendu parler, la production mondiale de fèves de cacao est en baisse. Pire encore, le chocolat pourrait être amené à disparaître dans plusieurs dizaines d’années ; ceci étant essentiellement dû au climat. Quel est votre position et votre ressenti sur cet évènement, cela vous fait-il peur pour l’avenir du métier de chocolatier ?
C’est surtout la consommation qui augmente avec l’engouement récent pour le chocolat des pays asiatiques, mais rien à craindre pour l’instant je pense. Les plantations de cacaoyers augmentent, ce ne sera pas nécessairement de grands crus de cacao, mais si ils sont destinés aux marchés asiatiques rien à craindre pour nos produits européens. Je pense que par rapport aux problèmes de climat, les cultures seront de plus en plus compliquées mais je pense que nous pourrons toujours trouver un moyen de cultiver les cacaoyers.
Un dernier mot ?
Je prends beaucoup de plaisir dans mon métier avec ses multiples facettes et je continuerais chaque jour à chercher le meilleur pour mes clients.
Toute l’équipe de Passionculinaire.fr remercie Sylvain Fournier d’avoir répondu à nos questions.Retrouvez d’autres infos à propos de Sylvain Fournier à l’adresse suivante : PAGE FACEBOOK DE LA CAVE À CHOCOLAT Adresse de « La Cave à Chocolat » : 32 rue de la Flèche à Moulins, Auvergne, France Tél. : 04 70 44 15 15